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L’abandon de l’activité sportive

L’abandon de l’activité par certains sportifs surprend encore de nombreux entraîneurs (Guillet & al., 2001). La charge d’entraînement, notamment en préparation physique, est souvent incriminée.

  • Comment expliquer ce phénomène pour mieux anticiper ?
  • Quelle forme de pédagogie adopter pour prévenir l’abandon ?

Volonté, motivation, désir
Ces trois concepts sont employés par les entraîneurs pour caractériser "l’investissement physique" des pratiquants et justifier la nature des relations pédagogiques.
Les psychologues ont "réglé son compte" à l’idée binaire et catégorique, donc réductrice, de présence ou d’absence de volonté chez l’individu. En effet, cette idée masque les phénomènes de désengagement(1) et en empêche toute compréhension.
L’apparition du concept de motivation, en management, a ouvert des perspectives de stimulation des personnes et a permis l’élaboration de stratégies plus ou moins efficaces. Recourant à de telles stratégies, certains se targuent de maintenir, malgré elles, des personnes dans une activité pendant un certain temps... Mais tôt ou tard, ces personnes finissent légitimement par s’orienter vers l’objet de leur désir : Une autre activité.
La reprise du concept de désir peut permettre d’éclairer les comportements d’abandon de l’activité. Pour éviter l’abandon, la prise en compte préalable des désirs permet d’orienter chaque personne vers des activités qui lui permettront d’exceller sur le long terme.
La culpabilité et autres jugements de valeurs, utilisés comme de puissants outils de manipulation, n’ont ainsi pas leur place dans des relations pédagogiques saines.

Pédagogie d’inspiration béhavioriste(2)
Le chien de Pavlov, le rat de Skinner et les autres…
Parce qu’évoquée de façon sommaire en formation, les théories béhavioristes sont le plus souvent mal interprétées. La transposition du laboratoire au terrain de sport ne peut pas être immédiate.
Malheureusement, certains ne conçoivent l’apprentissage que comme une somme de conditionnements "ancrés" par des renforcements positifs (récompense) ou négatifs (sanction). Cette conception convient mieux au dressage animalier qu’à l’éducation humaine.
Pour s’en affranchir, l’entraîneur peut donner à l’athlète des moyens de s’auto-évaluer (critères, grilles, abaques) et d’améliorer sa pratique. Le sportif s’achemine alors vers un des principaux objectifs de l’éducation : l’accès à l’autonomie (INRDP, 1975).

Pédagogie d’inspiration cognitiviste(3)
Le concept de représentation y est central, comme objet de signification : «  Apprendre, c’est transformer son système de représentation mentale  », c’est-à-dire la façon de voir les choses (objets et phénomènes).
Les représentations symboliques (graphismes, schémas, métaphores) sont employées comme de puissants "leviers didactiques" pour illustrer et expliquer.

Pédagogie d’inspiration clinique(4)
L’empathie est souvent considérée comme une forme de compréhension de l’autre… étrangement réservée à certains ! Mais, les phénomènes de projection (de sens, d’intention, de valeurs), mis au jour par les psychologues, montrent que l’empathie consiste le plus souvent en une simple transposition de sentiments justifiée à posteriori par un discours "logique". Or, le discours, même "logique", est souvent sans aucun rapport avec le réel : «  Je ne comprends jamais l’autre en attribuant à son comportement : le sens, les valeurs, l’intention, le raisonnement… fondés sur ma propre logique  ». C’est une démarche spéculative donc périlleuse.
Pour comprendre l’autre, il faut d’abord l’écouter, donc se taire et ne pas anticiper ses réponses (« Je sais ce que tu va me dire ! »). La reformulation proposée («  Tu veux dire que… ?  ») et plus encore celle demandée («  Qu’est-ce que tu veux dire par … ? »), sont des outils qui permettent de vérifier que ce qui a été entendu est bien ce que l’autre a voulu dire.
Les théories générales et les modèles de la psychologie expérimentale trouvent leur limite pour expliquer les comportements du sujet dans leur singularité. Comme alternative, la psychologie clinique cherche à mettre au jour ce que vivent les personnes «  aux prise avec des difficultés tant dans le rapport à eux-mêmes que dans leur ajustement à leur milieu de vie » Morvan (1995).
A l’entraînement, l’approche d’inspiration clinique (Blanchard-Laville, 1999) consiste à chercher à mettre au jour la façon dont le sportif vit et ressent ses entraînements, en tenant compte de ses particularités (psychologiques, morphologiques, physiologiques).

Le non-dit des émotions
«  Le non-dit, c’est ce qui est intime, ce que l’on ressent comme intransmissible… » Olievenstein (1987).
Il s’agit par exemple des émotions du sportif qui émergent au cours ou après l’entraînement ou la compétition : haine, rancune, frustration mais aussi soulagement, plénitude, joie. Le non-dit peut aussi concerner la relation entraîneur-sportif.
Le non-dit s’exprime de façon non-verbale sous différentes formes : colères, fous rires, comportements irrationnels, rites…
Chercher à transgresser le non-dit en forçant l’autre à verbaliser est souvent dévastateur : il dépossède le non-dit de ses fonctions de sauvegarde identitaire, sans pour autant réduire les angoisses.
L’entraîneur doit savoir décoder le non-dit sans l’investiguer.

Conclusion
L’étude des pratiques pédagogiques d’experts montre leur aspect composite : Ces pratiques mobilisent des méthodes d’inspirations diverses donc de façon non-exclusive.
L’écoute peut être employée comme outil de prévention de l’abandon de l’activité. Il s’agit de chercher à identifier les attentes du sportif puis de chercher à aménager les conditions de sa pratique de sorte de répondre au mieux à ses attentes.

Références :

  • Blanchard-Laville, C. (1999). L’approche clinique d’inspiration psychanalytique : enjeux théoriques et méthodologiques. Revue Française de Pédagogie : 127, 9-22.
  • Guillet, E., Sarrazin, P. & Cury, F. (2001). Comprendre l’abandon sportif en handball féminin à partir du modèle tridimensionnel des buts d’accomplissement : Une étude longitudinale sur une saison sportive. IXème Congrès International de l’ACAPS - 1, 3 Novembre 2001 - Valence.
  • INRDP (1975). L’accès des élèves à l’autonomie. Brochure n° 2376.
  • Morvan, J.-S. (1995). Psychologie clinique et recherche : Quelles questions pour quels objets ? In Dialogues sur l’éducation. Université René Descartes Paris V.
  • Olievenstein, C. (1987). Le non-dit des émotions. Editions Odile Jacob.

(1) On pense ici au désengagement du sportif. Mais ce concept masque aussi le désengagement de l’entraîneur qui attribue l’échec au manque de volonté du sportif !

(2) Psychologie béhavioriste : Elle étudie les comportements en cherchant à les mettre en relation avec leurs conditions d’apparition.

(3) Psychologie cognitiviste : Elle étudie les processus mis en jeu dans le traitement de l’information.

(4) La psychologie clinique est d’inspiration psychanalytique. Elle porte une attention particulière à la « réalité psychique de sujets ».

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