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Le gainage enfin compris !

Article original :
Ziane, R. (2023). Le gainage enfin compris ! Sport, santé et préparation physique. Newsletter n°207. CD94 / UFR-SESS-STAPS de Créteil.

Souvent confondu avec le renforcement en statique des abdominaux, le gainage est ainsi considéré de façon très réductrice en le limitant à l’abdomen.
D’ailleurs, penser le développement en statique de cette qualité physique alors qu’elle doit s’exprimer dans les pratiques sportives en dynamique est déjà en soit paradoxal. Plus étonnamment encore, les formes d’expression de cette qualité physique, qui varient selon le sport pratiqué (gainage en natation, en gymnastique, en sports collectifs, en sports de combat, en BMX, équitation…), sont rarement interrogées.

 Qu’est-ce que le gainage ?
 Quelle est la relation entre gainage et proprioception ?
 Comment développer le gainage sous sa forme d’expression dans le sport pratiqué ?

Ce que le gainage n’est pas !
«  Le gainage, ce n’est pas rester 11 minutes dans une position […] » (Aubert, 2013), en espérant que les capacités de maintien ou d’alignement se transfèrent "miraculeusement" dans la pratique d’un sport dynamique.

Ci-dessus, une conception très réductrice du gainage : A l’horizontal, en statique et en appui sur les avant-bras.
(Fig. extraite de : muscu-street-et-crossfit.fr)

Le gainage, ce n’est pas non plus faire des exercices d’abdominaux dynamiques tels que des crunchs.
Comme toute qualité physique, envisager le développement du gainage relève d’une démarche (Ziane, 2014). Celle-ci commence par identifier les exigences de l’activité en termes de qualités physiques, puis à évaluer leur niveau chez le ou les sportifs, pour in fine proposer des exercices qui permettent le développement sous leur forme d’expression dans le sport pratiqué. Ces formes d’expression étant propres à chaque sport, n’envisager le gainage qu’en position l’horizontale statique en appui sur les avant-bras n’a aucun sens.

Qu’est-ce que le gainage ?
Parce qu’employé en français pour traduire le terme anglophone "core stability", pour Kibler & al. (2006), le terme gainage fait référence à «  la capacité de contrôler la position et le mouvement du tronc sur le bassin pour permettre une production, un transfert et un contrôle optimaux de la force et du mouvement vers le segment terminal dans les activités sportives ».
Ainsi et si au sens le plus couramment employé, le gainage concerne l’abdomen, dans un sens élargi, il concerne toutes articulations mobiles : épaules, coudes, poignets, hanches, genoux, chevilles, articulations intervertébrales… : « Ça peut être un gainage segmentaire, un segment sur le corps, ça peut être le gainage de tout le corps et […] aussi le gainage de la sangle abdominale pour gérer la relation haut-bas » Aubert (Op. cit. 2013).
En effet, toutes les articulations mobiles étant sujettes aux mouvements, sont susceptibles d’instabilité, de se désunir, de se déboiter, voire de se luxer. Aussi, pour contribuer efficacement et de façon sécuritaire aux mouvements et aux déplacements, ces articulations ont besoin que leur coaptation, c’est-à-dire leur emboitement, soit maintenu en statique comme en dynamique. C’est un problème de stabilité dans la pratique : « Le gainage, c’est la force musculaire de verrouillage, une force isométrique ou encore une force statique qui va servir à être indéformable avant de faire quelque chose » Aubert (Ibid).
Pour autant, il ne s’agit pas de se muscler de sorte de tout verrouiller, réduisant ainsi la mobilité voire interdisant tout mouvement : Le sportif serait alors contre-performant.
Bien plus finement, il s’agit de pouvoir activer les muscles stabilisateurs des articulations sollicitées lors de la pratique sportive. Mais, cette activité devra être "cybernétique ", c’est-à-dire auto-ajustée, impliquant un système informatif. Plus précisément encore, le tonus musculaire des muscles stabilisateurs devra varier au cours même du mouvement créant un verrouillage à intensité variable et adaptative. Ceci renvoie à la proprioception.

Quelle est la relation entre gainage et proprioception ?

Gainage et proprioception
Bien que les métaphores n’expliquent pas vraiment les phénomènes (Gilbert & Watts, 1983), celle proposée par Aubert (Ibid) est intéressante : « Le gainage relève du "hardware", de l’équipement musculaire ; la proprioception relève du "software", du logiciel ». Ainsi, le système informatif, ajustant l’activité des muscles stabilisateurs serait la proprioception, cette «  sensibilité nerveuse propre aux muscles, aux articulations, aux os et aux ligaments » (Ziane, 2004). Les muscles stabilisateurs des articulations mobiles sont les muscles profonds, dit de l’ajustement tonique (Dolto, 1996). La proprioception piloterait ainsi le gainage, lequel serait assuré par les muscles profonds. Aussi, envisager de développer séparément gainage et proprioception n’a aucun sens.

Les muscles profonds (Ziane, 2009)
Ce sont par exemple : le long et le court fibulaires (cheville), le poplité (genou), le psoas et l’iliaque (hanche), l’iliocostal, le long dorsal, les muscles intervertébraux (dos) ou encore le brachial (coude), le coraco-brachial, le supraépineux (épaule)...

Muscles profonds de la région lombaire.
(Fig. d’après : www.anatomie-humaine.com)

Les muscles profonds sont particulièrement sollicités dans toutes les activités physiques qui nécessitent des ajustements fins, mais ils jouent aussi un rôle essentiel dans la stabilisation articulaire.

Stimulation et renforcement musculaire des muscles profonds
Pour stimuler l’activité des muscles profonds, il faut chercher à stimuler la proprioception, c’est-à-dire la sensibilité "interne" à la position, au mouvement et à la force. Pour cela, il s’agit de soumettre le sportif à des contraintes spécifiques à son sport :
1. Contraintes de placement postural.
2. Contraintes de déséquilibre physique.
3. Contraintes de vitesse progressivement croissante.
L’objectif est de stimuler la proprioception et non pas la force maximale. Aussi, ce travail de musculation devra être pratiqué préférentiellement avec des charges non-guidées et éventuellement sur des surfaces instables. D’autres méthodes consistent à réaliser des enchaînements après avoir perturbé un des systèmes d’équilibration : vue, oreille interne… Il s’agit essentiellement de réaliser des exercices techniques ou des enchaînements (chorégraphie, katas) :
 sur poutre basse,
 sur fitball,
 sur sol meuble (tapis mous, sable),
 sur sol glissant (mouillé, boueux, gelé),
 en étant bousculé,
 en appui unipodal,
 les yeux fermés…

(Fig. extraite de : www.wandererscricket.com)

Quel que soit l’exercice, il est impératif de préciser :
 Les consignes de sécurité.
 Les consignes de placement.
 Les consignes d’exécution.
 Les consignes respiratoires.
Sécuriser la pratique est la première étape à entreprendre (tapis épais, baudrier, casque, coudières, genouillères).
Les muscles profonds peuvent aussi être stimulés par une pratique complémentaire telle que :
 roller, skate-board,
 trial (en vélo, en moto),
 ski, snow-board,
 surf, planche à voile…
Choisir l’activité la plus pertinente soulève alors la question du transfert, à la pratique du sport exercé, des progrès réalisés en préparation physique.

Formes d’expression du gainage et exercices pertinents
« On a un projet, de percussion [boxe, rugby...], de rebond, de tenue… et on va chercher à se gainer  » Aubert (2013 Op. cit.).
En natation, «  il s’agit de garder un corps solide dont les différentes parties sont en permanence fortement liées les unes aux autres. Concrètement, on cherchera : Un alignement de l’axe tête-tronc-jambes. Les jambes ne doivent pas sortir de l’axe du corps (mouvements de lacet). Une bonne synchronisation de la rotation des épaules et de la rotation du bassin. Ces deux mouvements de rotation ne doivent pas être décalés dans le temps  » Chadeville (2007). Pour développer cela, cet auteur propose notamment de :
  Nager avec une planche entre les genoux en appliquant les consignes suivantes :

(Fig. extraite de : natationpourtous.com

o en veillant « à garder un bon alignement tête-tronc-jambes pour éviter que la planche ne se décale sur les côtés  » (Ibid).
o laisser « la planche pivoter légèrement autour de l’axe du corps (c’est-à-dire pencher sur la droite ou sur la gauche) , dans un mouvement synchronisé avec le mouvement des épaules [et] sentir la planche pencher au moment où la main entre dans l’eau » (Ibid).
o « En crawl, veillez aussi à ce que le mouvement de la planche soit identique sur les mouvements où vous respirez et sur les mouvements où vous ne respirez pas » (Ibid).
 Nager avec un pull-buoy entre les chevilles

Variante du précédent, cet exercice, plus confortable et permettant de nager sur de plus grandes distances et de faire des demi-tours, en reprend les mêmes principes.

(Fig. extraite de : natationpourtous.com)

Les déséquilibres sont plus subtils.
«  Des variantes plus difficiles permettent de mieux isoler les déséquilibres créés par les mouvements [comme] ne nager que sur un bras avec l’autre bras immobile devant ou, encore plus difficile, le bras immobile le long du corps » (Ibid).

Des exercices de gainage pour la natation peuvent être pratiqués en dehors du bassin. Mimant les mouvements de nages dans différentes postures, il s’agit toujours de conserver une unité et un alignement du corps malgré les perturbations induites par la gestuelle.

(Fig. extraite de : youtube.com/@apprentissagenatation)

(Fig. extraite de : youtube.com/@apprentissagenatation)

En gymnastique, même si les alignements et les symétries ont leur importance, il ne s’agit pas pour autant de verrouiller l’alignement du corps en toutes circonstances. « Chaque leçon d’agrès devrait comporter des exercices de gainage, car une bonne tenue du corps est un élément essentiel de la gymnastique » Office fédéral du sport, 2015).

(Fig. extraites de : mobilesport.ch)

« Construire des ponts : Les élèves courent au rythme de la musique. Quand elle s’arrête, l’enseignant annonce un chiffre, entre deux et quatre, qui désigne le nombre d’élèves par groupe pour l’exercice. Ici, il s’agit de construire un pont solide qui tient jusqu’au prochain signal ».

(Fig. extraites de : mobilesport.ch)
« Appuis faciaux mobiles, la sportive A se place en appui facial. La sportive B lui saisit les chevilles et modifie prudemment sa position en déplaçant ses épaules légèrement vers l’avant et en les ramenant vers l’arrière. B peut aussi lâcher un pied, A essaie de maintenir la position tendue dans toutes les situations  ».

(Fig. extraites de : mobilesport.ch)

« Momie : Par groupes de trois. A se couche sur le dos, le corps tendu. B et C essaient de le relever en le saisissant par les épaules ».

En basket-ball, il s’agit de ne pas se désunir au cours des déplacements avec changements de direction brutaux et des sauts mais aussi malgré les contacts avec les autres joueurs.

Gainage en déplacement.
(Fig. extraite de : Provenzale, 2019)

Gainage en situation de jeu.
(Fig. extraite de : Provenzale, 2019)

En rugby

(Fig. de la FFR extraite de :
youtube.com/@lachainedelentraineuretdel8262)

(Fig. de la FFR extraite de :
youtube.com/@lachainedelentraineuretdel8262)

(Fig. de la FFR extraite de :
youtube.com/@lachainedelentraineuretdel8262)

… en sautant sur place puis en se déplaçant.
(Fig. de la FFR extraite de :
youtube.com/@lachainedelentraineuretdel8262)

En football :

« Gainage dynamique : en "groupé-dégroupé" avec sangle de suspension "TRX". Réaliser entre 4 à 8 mouvements et entre 3 à 5 séries suivant niveau. Gainage planche pied coude puis suppression alternativement des surfaces de contact. 3 séries de 30 secondes avec 15 secondes de récupération ».
(Vidéo de Aubert & Boussely, 2023, en lien, à : https://youtu.be/icWy2A5Qb7w)

Conclusion
Avec le gainage, il y a l’idée de maintenir l’unité articulaire au bénéfice de la stabilité donc de l’efficacité, que les os ne se séparent pas, ne se disloquent pas, dans le mouvement.
Mais, parce qu’il doit être finalisé, le travail de gainage ne peut pas se faire sans prendre en compte sa forme d’expression dans la pratique cible et ne saurait être réduit à l’unité de l’abdomen.
Il s’agit donc d’inventer des exercices qui prennent en compte les conditions de la pratique et les formes d’expression de cette qualité physique.

Références :

  • Aubert, F. (2013). En quoi les notions de gainage et de proprioception se distinguent-elles ? Interview. En ligne.
  • Aubert, F. & Boussely, M. (2023). Renforcement et circuit training. Football coach vidéo "Pour les éducateurs, par les éducateurs".
  • Chadeville, M. (2007). Le gainage en crawl et en dos. Natationpourtous.
  • Dolto, B. (1996). Le Corps entre les mains. Une nouvelle kinésithérapie. Hermann éditeur.
  • Gilbert, J.-K. & Watts, D.-M. (1983). Concepts, misconceptions and alternative conceptions : Changing perspectives in science education. Studies in Science Education, 10:1, 61-98.
  • Kibler, W.-B., Press, J. & Sciascia, A. (2006). The role of core stability in athletic function. Sports medicine, 36(3) : 189-198.
  • Office fédéral du sport OFSPO (2015). De l’appui renversé au renversement. Conseils pour la conception des leçons. Mobilesport.ch
  • Provenzale, A. (2019). Trois exercices de gainage dynamique original. En ligne.
  • Ziane, R. (2004). La proprioception, fonction d’un "sixième sens". Sport, santé et préparation physique. Rev. 9 : 6-7.
  • Ziane, R. (2009). Muscles superficiels et muscles profonds : Prise en compte en préparation physique. Sport, Santé et Préparation Physique. Rev. 24 : 6-7.
  • Ziane, R. (2014). La démarche en préparation physique… une science exacte ? Sport, santé et préparation physique. Lte 118.

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