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Consommer des protéines en poudre, est-ce utile ?

Article original : Complémenter son alimentation en protéines et/ou en acides aminés ?
Par Rachid ZIANE, Romain CHOU(1) & Guillaume LAFFAYE(2)

Les questions au sujet de la consommation de protéines en poudre et d’acides aminés sont récurrentes en particulier chez les jeunes en quête de volume musculaire.
Est-ce nécessaire, efficace, dangereux ?

Supplémenter en protéines : Quels sont les besoins réels ?

Si certains auteurs parlent de 2 grammes par jour et par kilogramme de poids de corps voire plus, rappelons, avec Trémolières & Col. (1961), que les besoins quotidiens sont de 0,8 à 1,2 grammes ! Or, tout ce qui provient du vivant contient des protéines : Viandes, poissons, œufs, légumineuses, produits laitiers, mais aussi céréales, oléagineux, fruits et légumes…

En termes de besoins particuliers des sportifs : «  En ce qui concerne l’adulte sportif […] la pratique régulière (3 fois 1/2 heure à 1 heure par semaine) d’une activité d’intensité modérée ne modifie pas significativement les besoins indiqués ci-dessus  » Chollet-Przednowed, Etiemble, Prigent & al. (1999).

Supplémenter en protéines quand on est sportif ?
La nutrigénétique, science issue de la médecine préventive introduite par Jean Dausset en 1980 (prix Nobel de médecine), permet alors de bien comprendre l’apport nécessaire en protéines. Cette science part du postulat que l’alimentation optimale n’est pas la même pour tous et est fortement dépendante de notre capacité à métaboliser des glucides.
Or, la prédisposition aux exercices de force est liée notamment à une difficulté à métaboliser les glucides. Aussi, lorsque l’on divise une population de sportifs en deux, (les "endurants" et les "explosifs"), il ressort de cette approche deux grandes idées :

  1. Nous sommes inégaux en termes de métabolisme des glucides et des protéines.
  2. La quantité nécessaire de glucides et de protéines chez des sportifs dépend du type de fibres musculaires (fibres rapides vs fibres lentes) car ils ont des capacités d’assimilation différentes.

«  Ainsi, pour les sportifs d’endurance de bon à haut niveau, les besoins sont de l’ordre de 1,5 g/kg/j. Les apports habituels les couvrent très largement, l’apport énergétique (et donc protéique) […] Le risque de carences en protéines est donc de facto inexistant » Chollet-Przednowed, Etiemble, Prigent & al. (Op. Cit.).
Pour les sportifs de force, notamment dans une logique de construction du muscle, l’apport peut grimper jusqu’à 2.5 à 3 g/kg/j, soit 30 à 40% de l’apport total calorique nécessaire, tout en réduisant la quantité de glucides quotidien par rapport à un sportif endurant (Vernesson, 2011). Mais précisons bien que nous sommes ici dans une recherche d’hypertrophie musculaire et non pas dans la gestion de carences.
Ainsi : « des besoins de 2 à 3 g/kg/j en période de gain de masse musculaire semblent justifiés, pour certains auteurs. Mais attention, ce niveau d’apport ne se justifie que sur une durée limitée et là encore, compte tenu de la motivation et des effets de mode dans les milieux de type bodybuilding ou haltérophilie, l’excès de protéines paraît plus à craindre que la carence » Chollet-Przednowed, Etiemble, Prigent et al. (Op. Cit.). Aussi, comme le rappellent ces auteurs, les apports sont largement pourvus par une alimentation variée et équilibrée.
Consommer des protéines en complément alimentaire ne présente un intérêt en définitive que lorsque l’alimentation ne peut pas couvrir les besoins engendrés par l’activité physique. Par exemple :

  • un sportif d’endurance de 70 kg trouvera aisément de quoi couvrir ses besoins basaux dans son bol alimentaire
  • un sportif de force de 100 kg par contre, pourrait avoir beaucoup de difficultés à couvrir uniquement par son alimentation des besoins avoisinant les 300g de protéines par jour, selon le principe de la nutrigénétique.

Attention également car toutes les poudres de protéines ne se valent pas. En effet, les protéines de l’œuf entier (blanc + jaune) sont considérées comme protéines de référence car elles contiennent tous les acides aminés essentiels et qui plus est, répartis dans de bonnes proportions. Aussi, si le marché propose des protéines en poudre à base de lait, de caséine de blanc d’œuf… celles-ci sont pour la plupart, incomplètes.

De surcroît, rappelons que tout excédant de protéines consommé est pour partie uriné (fraction azotée) et pour partie stocké sous forme de graisse !
Enfin, il est à noter que l’excès de consommation de protéines n’est pas sans risque : Fatigue, problèmes articulaires (goutte), problèmes hépatiques et digestifs.
Donc, en dehors de cas particuliers, tels que celui du sportif de force pesant 100kg, consommer des protéines en poudre est inutile. En effet, il convient de bien distinguer la problématique de la carence et celle de la prise de muscle pour des culturistes aux poids de corps imposants.
Nous conseillons par ailleurs de privilégier les protéines végétales aux protéines animales. Ces dernières sont liées à des minéraux (chlore, soufre, phosphore) qui se transforment dans l’organisme en acides forts, contribuant à acidifier l’organisme.

Supplémenter en acides aminés ?

Les protéines, qu’elles soient animales ou végétales, ne sont qu’un assemblage plus ou moins long de 22 acides aminés, dont seuls diffèrent l’ordre et la longueur.
Sur ces 22 acides aminés, huit sont essentiels, car l’organisme ne peut les synthétiser et l’alimentation doit donc nous les procurer.
Si les viandes sont acidifiantes, elles possèdent l’avantage de les apporter de manière équilibrée. Si l’on mange donc peu de viande ou si on craint de ne pas avoir cet ensemble d’acides aminés essentiels, il peut être alors utile de se complémenter.
Mais cette option est discutée. En effet, plusieurs recherches pharmaceutiques ont mis en évidence des effets sur l’organisme propres à chaque acide aminé, lorsque ingéré séparément après avoir été synthétisé en laboratoire. Par exemple l’arginine laquelle, selon le dosage, est destiné aux enfants souffrant d’asthénie ou de retard de croissance.
Partant ainsi de leurs fonctions dans l’organisme, des commerçants ont spéculé sur les effets de prises isolées pour justifier un argumentaire commercial. Par exemple, la L-carnitine : «  Cette molécule intervient au sein de la cellule dans le transport des acides gras du cytosol vers les mitochondries lors du catabolisme des lipides dans le métabolisme énergétique » ce qui explique que « Cette molécule est souvent vendue en tant que complément alimentaire ». Comme si la L-carnitine était le seul déterminant de l’utilisation des graisses, lequel comme par hasard ferait défaut chez les personnes cherchant à perdre de la graisse… et comme si le transport des acides gras était sa seule fonction ! On voit bien que les raccourcis intellectuels n’ont que pour but de servir un discours commercial.
Par ailleurs, si quelques effets sont connus sur le court terme, d’autres sont ignorés sur le plus ou moins long terme.

Conclusion
Alternative au dopage ou au contraire, premier pas y menant, la supplémentation en protéines et/ou en acides aminés interpelle du point de vue des effets que l’on peut en attendre. Ainsi, si l’on peut admettre que certains obtiennent des effets significatifs en termes de prise de volume musculaire, l’effet placebo n’est pas à exclure, ni celui induit par des traces d’anabolisants présents dans certains compléments.
Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur les intentions de ceux qui publient des articles dans des revues de musculation, vantant leurs effets, immédiatement suivi d’une publicité.

Références

  • Chollet-Przednowed, E., Etiemble, J., Prigent, M.-J. & al. (1999). Carences dnutritionnelles. Etiologie et dépistage. INSERM
  • Moustgaard, J. (1957). Laerebog i husdyrenes Fysiologi og Ernaeringsfysiologi. A/S C.Fr. Mortensen, Copenhagen
  • Trémolières, J., Serville, Y. & Jacquot. R. (1961). Manuel élémentaire d’alimentation humaine. Masson éditeur
  • Vernesson, J. (2011). Nutrition de la force. Thierry Souccar éditeur

(1) Ancien étudiant de Rachid ZIANE en Licence professionnelle « Métiers de la forme- Responsable d’équipe et de projets » de l’UFR-STAPS de l’Université Paris-Saclay, Romain CHOU est également diététicien diplômé d’Etat.

(2) Ancien camarade de promotion puis collègue de Rachid ZIANE, Guillaume LAFFAYE est professeur d’EPS agrégé, maître de conférences et habilité à diriger des recherches. Spécialiste de biomécanique, membre du laboratoire Complexité, Innovation, Activités Motrices et Sportives (CIAMS) de l’Université Paris-Saclay.

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