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Faut-il consommer des compléments alimentaires pour être en meilleure santé et plus performant ?

Article original : Compléments alimentaires : Risques et (dés)illusions !
Par Rachid ZIANE, Romain CHOU(1) & Guillaume LAFFAYE(2)

Est-il nécessaire de prendre des compléments alimentaires pour améliorer ses performances et compenser les effets d’une alimentation trop souvent déséquilibrée ? Tel est le genre de questions fréquemment posées par les sportifs dont certains se laissent facilement abuser par les créateurs de modes alimentaires. Si en cherchant à compléter une alimentation normale on a peu de chance d’améliorer ses performances, contrairement à ce que l’on croit, cela n’est pas sans risque pour la santé. Nous traiterons ici des vitamines, des sels minéraux, des oméga 3 et 6, et enfin de la spiruline.

Les compléments alimentaires… sans risques ?
Qu’ils soient sous forme de gélules, de pastilles, de comprimés, de pilules, de sachets, de poudre, d’ampoules, de flacons : « On entend par compléments alimentaires les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés » Parlement européen (2006).
Les compléments alimentaires ont ainsi été conçus pour compenser une insuffisance d’apports avec état de déficience ou de carences. Ils impliquent en principe la démonstration au préalable de cette insuffisance qui est définie par un apport inférieur à 77% des apports nutritionnels conseillés (ANC) «  que [seul] le médecin ou le diététicien est en mesure d’évaluer  » (Hirsch, 2005).

Les compléments alimentaires sont-ils bons pour la santé ?
Alors que certains pensent gagner en vitalité voire en performance en ayant recours aux compléments alimentaires, les études semblent démontrer l’inverse, par exemple :

  • Effet sur la mortalité : « Des études de méta-analyse montrent notamment que la prise de suppléments vitaminiques est associée à l’augmentation des risques de mortalité  » Randerson (2008).
  • Supplémentation et risque de cancer : « une large étude de supplémentation vitamine A a dû être stoppée prématurément, la supplémentation augmentant le risque de cancer du poumon  » Oman & Col. (1996).
  • Supplémentation et vieillissement des femmes : « La supplémentation en oligo-éléments (cuivre, magnésium, fer, zinc) affecte la santé et la surmortalité des femmes plus âgées » Jaakko & Col. (2011).
  • Supplémentation et risques cardiovasculaires : «  La supplémentation en calcium présenterait également des risques  » Nordqvist (2013).

Sur ce dernier point, l’alimentation apporte dans la majorité des cas une quantité suffisante de calcium : L’OMS recommande un apport minimal moyen de 500mg de calcium par jour et les apports nutritionnels conseillés sont de 900mg en France. Les recommandations de l’OMS ne couvrent les besoins que de 50% de la population lorsque les ANC français couvrent les besoins de 97,5% de la population, d’où cet écart. Un surdosage en calcium déséquilibrerait le ratio calcium/magnésium, qui doit être proche de 2, d’autant que le magnésium est généralement en déficit dans une grande partie de la population (e.g. : 80% de la population des Etats-Unis). L’apport en calcium est facilement atteint avec une alimentation normale, la supplémentation en calcium favorise donc le déséquilibre de ce ratio qui peut accroître de manière non négligeable le risque de mortalité (Dai & col., 2013).
Plus généralement, ces études montrent sans équivoques les effets potentiellement délétères sur la santé des compléments alimentaires, pris sans un minimum de connaissances des processus métaboliques.
Les apports nutritionnels conseillés, qui représentent 130% des besoins nutritionnels moyens (BNM) des français, avec une marge de deux écarts types de 15%, sont conçus pour couvrir les besoins nutritionnels de 97,5% de la population.

Supplémenter en vitamines et en minéraux ?
Réparties en 2 grandes catégories (hydrosolubles & liposolubles) et 13 groupes (B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9, B12, C & A, D, E, K), bien qu’elles n’apportent aucune calorie, les vitamines ou amines vitales sont indispensables à la vie (Leboulanger, 1975).
Prises isolément, elles seraient moins efficaces que contenues dans les aliments, leur action étant dans ce cas potentialisée par les autres nutriments présents (Servan-Shreiber, 2007).
Par ailleurs, consommées en excès, elles pourraient être toxiques et mêmes rendre allergique. Or, une allergie à une vitamine rend l’alimentation très compliquée, consistant à éviter tout aliment qui contient la ou les vitamines en question.
Quoiqu’il en soit, «  les carences avérées en micronutriments sont relativement rares en France, en dehors de contextes pathologiques établis […] Des carences vitaminiques peuvent apparaître soit au cours de situations pathologiques, plus rarement, en raison d’apport nutritionnels insuffisants […] La supplémentation systématique de la population n’a pas d’intérêt, et il conviendrait également de sensibiliser l’opinion aux possibles effets iatrogènes [i.e. : ensemble des conséquences néfastes sur l’état de santé] d’une autosupplémentation abusive  » Chollet-Przednowed, Etienble, Prigent et al. (1999).

Supplémenter en Omega 3 et/ou en Omega 6 ?
Acides gras poly-insaturés, les oméga 3 et 6 sont des lipides essentiels c’est-à-dire dont l’organisme a besoin mais qu’il n’est pas capable de fabriquer. L’entraînement sportif intensif augmenterait les besoins en omega 3 et en omega 6 :

  • Présents notamment dans l’huile de noix, l’huile de colza, les poissons gras (saumon, sardine, maquereau, hareng), «  Les oméga 3 freinent le développement de la masse grasse, sont anti-inflammatoires et fluidifient le sang » Weber (2008).
  • Présents notamment dans l’huile d’olives, la graisse d’animaux d’élevage : «  Les oméga 6 servent à la réparation tissulaire, à la coagulation sanguine, au système immunitaire et, de façon générale, à tout ce qui implique une réaction inflammatoire  » Weber (Ibid).

Les Omega 3 seraient anti-inflammatoires alors que les Omega 6 seraient pro-inflammatoires (Servan-Shreiber, 2007).
Mais, plus que de l’un ou de l’autre, ce qui compte est le rapport de l’un sur l’autre (Seignalet, 2004) : «  Il faut consommer 10g d’oméga 6 et 2g d’oméga 3 par jour, selon un rapport oméga 6 / oméga 3 environ égal à 5 » Weber (Op. Cit.). L’alimentation moderne et industrielle conduit à un ratio de 20 pour 1, c’est-à-dire extrêmement inflammatoire. L’homme préhistorique aurait eu un ratio proche de 1, autant dire que même avec une supplémentation en oméga 3 et une alimentation moderne, il n’y a à priori aucun risque de surdosage pour la santé.

Et la spiruline ?
La spiruline est un aliment bactérien comestible qui est obtenue à partir de cyanobactéries du genre arthrospira, issue d’une algue microscopique bleue d’eaux douces, chaudes, peu profondes et saumâtres. Son intérêt est reconnu par l’O.N.U. dans le cadre du développement durable :

  • très riche en protéines : de 50 à 70% de son poids sec,
  • riche en acides gras essentiels,
  • contient aussi de nombreuses vitamines et des oligo-éléments, notamment le fer, le zinc, le magnésium et l’iode.
  • peut être consommée dans des situations de carence ou de besoin nutritionnels accrus.

La spiruline a été envisagée comme une solution pour lutter contre la faim dans le monde, mais aussi pour les missions spatiales prolongées. La très grande biodisponibilité du magnésium, du sélénium et du fer en fait un complément alimentaire de grande qualité (Falquet & Hurni, 1986). Vendue en grande surface en comprimés ou en poudre, elle est aussi proposée comme complément alimentaire. Cependant, quelques comprimés par jour ne peuvent remplacer une portion de viande ou de poisson… à moins d’en avaler 30 grammes par repas, pour un tarif allant de 40 à 200 euros le kilogramme ! En outre, la prudence doit être également de mise sur la provenance et la qualité de la spiruline, tant l’offre est large. Elle peut être associée à des algues neurotoxiques et sa haute teneur en fer est parfois enrichie artificiellement, ce qui peut poser d’éventuels problèmes de surdosage.

Conclusion
De nombreuses études montrent que si l’alimentation est équilibrée, les compléments alimentaires sont superflus… voire dangereux.
Concernant la supplémentation en vitamines : « [elle] est parfois nécessaire au cours de la grossesse et en prévention des maladies cardiovasculaires » (Op. Cit).
Concernant la supplémentation en sels minéraux : « Les carences en principaux micronutriments concernent le calcium, le magnésium, le fer et le zinc. Elles peuvent résulter d’une baisse d’apport nutritionnel ou de circonstances pathologiques ou physiopathologiques qui augmentent les besoins » (Op. Cit).
Concernant la supplémentation en omega 3 et/ou 6 ? « Non, pour la simple raison que la couverture des besoins [en oméga 3 et 6] est extrêmement facile […] et que les compléments d’oméga 3 sont moins intéressants que les oméga 3 des aliments […] un excès d’oméga 6 favorise la prise de masse grasse […] et la complémentation quotidienne et régulière n’est pas à recommander  » (Op. Cit.).
Si la consommation de compléments alimentaires n’est pas considérée comme du dopage, il faut quand même faire attention à la provenance de ceux-ci.
En effet, de nombreux compléments alimentaires sont contrefaits et certaines contrefaçons peuvent contenir des produits dopants. C’est ce qu’a montré le laboratoire national antidopage allemand (Schänzer, 2001) : A l’époque, environ 25% de certains compléments alimentaires pour sportifs contenaient des traces de nandrolone, un anabolisant stéroïdien. En conséquence, il est déconseillé d’acheter des compléments alimentaires à l’étranger ou sur internet. La présence, sur l’emballage, de la norme AFNOR "NF V 94-001" (relative aux compléments alimentaires et autres denrées alimentaires destinés aux sportifs), garantie la mise en œuvre, par l’industriel, d’un programme d’assurance qualité et l’absence de substances dopantes dans le produit commercialisé.

Références

  • Braekkan, O.-R. (1976). Den ernaeringsmessige betydning av fisk. Fiskets Gang. 35.
  • Chollet-Przednowed, Etienble, Prigent et al. (1999). Carences nutritionnelles. Etiologie et dépistage. INSERM.
  • Dai, Q. & Col. (2013). Modifying effect of calcium/magnesium intake ratio and mortality : a population-based cohort study. BMJ open.
  • Falquet, J., & Hurni, J.-P. (1986). Spiruline : aspects nutritionnels. Flamant vert.
  • Huss, H.-H. (1995). Quality and quality changes in fresh fish. Fao Fishieries technical papers. Technological laboratoriy Ministry of agriculture and fisheries. Danemark. 348.
  • Jaakko, M. & Col. (2011). Dietary Supplements and Mortality Rate in Older WomenThe Iowa Women’s Health Study. Arch Intern Med. 2011 ;171(18)  : 1625-1633.
  • Leboulanger, J. (1975). Les vitamines : Biochimie – Mode d’action – Intérêt thérapeutique. Editions Roche.
  • Nordqvist, C. (2013). High calcium supplement intake raises male cardiovascular disease death risk.
  • Parlement européen (2006). Directive 2002/46/CE, transposée par le Décret du 20 mars 2006.
  • Randerson, J. (2008). Vitamin supplements may increase risk of death. The Guardian.
  • Schänzer, W. (2001). Nandrolon. Institut für Biochemie der Deutschen Sporthochschule Köln.
  • Seignalet, J. (2004). L’alimentation ou la troisième médecine. de Guibert éditeur.
  • Servan-Shreiber, D. (2007). Anticancer. Prévenir et lutter grâce à nos défenses naturelles.
  • Weber, G. (2008). Alimentation, le rapport oméga 6, oméga 3. Sport, santé et préparation physique. 21 : 9-11.

(1) Titulaire de la Licence professionnelle "Métiers de la forme- Responsable d’équipe et de projets" de l’UFR-STAPS de l’Université Paris-Saclay, Romain CHOU est également diététicien diplômé d’Etat.

(2) Guillaume LAFFAYE est maître de conférences habilité à diriger des recherches et membre du laboratoire Complexité, Innovation, Activités Motrices et Sportives (CIAMS) de l’Université Paris-Saclay.

Voir en ligne : Faut-il consommer des compléments alimentaires pour être en meilleure santé et plus performant ?

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