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Le flow : Comment conduire à cet état mental optimal pour apprendre et réussir ?

Demander de plus en plus d’efforts voire d’abnégation est courant, notamment en sport. Dans ce domaine, l’idée que "pour progresser il faut supporter [voire s’auto-infliger] une charge d’entraînement croissante [et] ignorer stress et anxiété" est prégnante, tout comme l’est celle de la pénibilité voire de la douleur comme indicateur de progrès.

Au slogan « No pain, no gain » ou « pas de douleur, pas de progrès », nous opposons une vision pédagogique humaniste et durable :
L’accompagnement de l’apprenant dans la recherche optimale du développement agréable voire exaltant de ses ressources engagées dans l’effort intense, dont l’état de flow est un indicateur.

Pour cela, nous nous appuyons sur les théories et concepts de la psychologie positive, discipline de recherche qui tente, entre autres, «  de comprendre comment enseigner aux jeunes générations […] optimisme et persévérance » (Demontrond, & Gaudreau, 2008).

Le flow et la zone
Emergeant dans les années 70 du courant de la psychologie positive, pour son inventeur Csikszentmihalyi (1990), le concept de flow est un état psychologique optimal pouvant être ressenti dans divers domaines d’activité tels que l’art, l’enseignement, le sport.
Cela correspondrait à l’état d’activation optimal des personnes, lesquelles complètement impliquées dans l’accomplissement très intense de leur activité, atteignent l’apogée à la fois de leur concentration, de leur engagement et de leur satisfaction, autrement dit, leur plus haut niveau de maîtrise avec aisance et plaisir. Cet état agréable serait accompagné de sensations de "fluidité", au sens d’aisance et de contrôle des actions, sans effort.
Atteindre cet état de flow correspondrait à ce que plusieurs auteurs (e.g. : Lafont, 2011) appellent être "dans la zone".
Csikszentmihalyi (2000) et Voelkl & Ellis (2002) proposent un modèle de compréhension du flow selon deux éclairages : les caractéristiques du flow et ses conditions d’apparition ; « Cette différenciation est particulièrement utile aux professionnels qui peuvent ainsi augmenter les chances de faire ressentir le flow aux pratiquants (caractéristiques du flow) en dirigeant leur programme d’intervention vers des situations et des environnements susceptibles de favoriser l’apparition du flow (les conditions) » Demontrond & Gaudreau (2008).

Les caractéristiques du flow
« [Elles] font référence à la nature empirique du phénomène lui-même […] c’est-à-dire à ce que l’individu ressent lorsqu’il est en [état de] flow » Demontrond & Gaudreau (Op. cit.) :

  1. La concentration sur la tâche, « totale en état de flow […] aucune pensée extérieure ne vient la perturber » Jackson & Csikszentmihalyi (1999).
  2. Le sens du contrôle, qui « reflète la sensation de pouvoir réaliser n’importe quelle action et de la réussir quelle que soit la tournure que prend la compétition » (Ibid).
  3. La perte de conscience de soi, « s’illustre par le fait que l’athlète est réceptif à tout ce qui l’entoure, mais les informations habituellement utilisées pour se représenter la performance et l’action ne sont pas mises en jeu  » (Ibid).

Les conditions d’apparition du flow
Ce sont « les circonstances et le milieu qui sont supposés conduire au flow » Demontrond & Gaudreau (Op. cit.) :

  1. La sensation d’un équilibre entre les exigences de la tâche et les compétences personnelles (Jackson & Csikszentmihalyi, 1999) qui serait une condition moins importante que les autres pour atteindre l’état de flow (Voelkl & Ellis, 2002).
  2. La clarté des buts, qui permet de fixer l’attention et de diminuer l’incertitude source de stress (Ibid).
  3. La perception de feedback instantanés clairs et précis, «  ce qui favorise une continuité dans l’accomplissement de ses objectifs » (Ibid).

Ressentis en état de flow
Jackson & Csikszentmihalyi (1999) avaient antérieurement identifié trois autres dimensions qui semblent plutôt relever du ressenti du sportif en état de flow :

  1. L’union de l’action et de la conscience, à l’origine de la sensation de totale immersion dans l’activité.
  2. La perception de la transformation du temps, « soit la situation est perçue comme se déroulant très lentement donnant l’impression de disposer de plus de temps, soit plus rapidement, permettant de supporter les douleurs inhérentes à sa pratique » (Op. Cit.).
  3. L’expérience autotélique, c’est-à-dire sans autre but qu’elle-même car « agréable et enrichissante [et] qui survient lorsque l’organisme fonctionne au maximum de ses capacités » (Ibid).

Pour le champion Stéphane Diagana (interviewé par Greusart 2018) : «  La zone c’est un moment de grâce, de plaisir intense ».
Pour le préparateur mental Julien Bois (interviewé par Greusart 2018) : «  C’est un moment où l’individu contrôle toutes ses pensées, toutes ses actions. Et pendant ce moment, le sujet a l’impression d’accomplir parfaitement chacun de ses gestes ».
L’un des traits distinctifs du flow est un sentiment de joie spontané, voire d’extase pendant une activité.

Flow, émotions et motivation
En état de flow, les émotions ne sont pas simplement contenues et canalisées, mais en pleine concordance avec la tâche s’accomplissant.
Pour Csikszentmihalyi (op. cit.), le flow est un état totalement centré sur la motivation. C’est une immersion totale, qui représente peut-être l’expérience suprême, en employant les émotions au service de la performance et de l’apprentissage. Le fait que certains sportifs et entraîneurs parlent d’état de grâce explique que le flow serait recherché par ceux qui l’ont ressenti au moins une fois. Ainsi et comme l’expliquent Demontrond & Gaudreau (Op. cit.) : « L’expérience […] est en soi si agréable que l’individu la ressentira comme une grande richesse et cherchera à retrouver cet état psychologique ». Ceci est particulièrement intéressant, permettant aux sportifs de s’entraîner intensément sans avoir le sentiment de se soumettre à l’autorité de l’entraîneur ou de subir l’entraînement.

Autres concepts et théories
«  Si lors d’une compétition le défi dépasse les capacités des athlètes, ils ressentiront de l’anxiété. Inversement, un défi perçu comme plus faible que les ressources du sportif sera une source d’ennui. Cette notion d’équilibre apparaît comme centrale dans le concept de flow  » Demontrond & Gaudreau (Op. cit.). Ceci renvoie ainsi à deux concepts assez proches :

  • Le concept de décalage optimal (Allal & al., 1979) : qui vise à permettre au sportif « d’intégrer progressivement les informations [que la tâche] fournit et d’ajuster sa conduite en conséquence  », ce qui implique « de restructurer ses savoir-faire antérieurs vers la recherche, la différenciation et l’exécution de nouvelles stratégies » Maccario (1982).
  • Le concept de délicieuse incertitude de Famose (1990) : L’entraîneur doit proposer des tâches qui se situent dans une zone de difficulté permettant au sportif une réussite potentielle donc non-acquise à l’avance. Pour cela, ces tâches doivent être situées dans une zone dite de "délicieuse incertitude", c’est-à-dire permettant de réussir à conditions de faire des efforts, donc ni trop faciles, ni trop difficiles.

Rapporté au flow, le premier concept implique de pratiquer à son meilleur niveau, donc de réaliser des tâches en décalage optimal, c’est-à-dire d’un niveau légèrement supérieur à celui de l’athlète lui offrant des possibilités de réussir s’il fait les efforts nécessaires. Ainsi, « La motivation est maximale dans une zone intermédiaire où la curiosité est stimulé à un degré élevé et ou l’anxiété n’est pas encore trop grande  » (Ibid).

Chercher à entrer dans la zone
Pour Csikszentmihalyi les cinq indicateurs d’apparition et d’intensité du flow sont :

  1. une perception d’un équilibre entre ses compétences personnelles et le défi à relever,
  2. une centration de l’attention sur l’action en cours,
  3. des feedback clairs,
  4. des sensations de contrôle sur les actions réalisées et sur l’environnement,
  5. l’absence de stress, d’anxiété et d’ennui ainsi que la perception d’émotions positives (e.g., bien-être, plaisir).

Pour tenter de s’en approcher, selon le préparateur mental Thomas Sammut (interviewé par Greusart 2018) : «  Il faut atteindre un état de sérénité, savoir qui l’on est, et si on a des doutes, les transformer en forces ».
Pour Bois (Op. cit.) : «  La focalisation, l’attention, ce sont des choses qui se travaillent. On utilise des techniques respiratoires qu’on retrouve aussi dans la yoga ou encore des techniques d’imagerie. On va demander au sportif de visualiser des paysages calmes par exemple  ».

Conclusion
La psychologie positive, à laquelle on doit le concept de flow, étudie la qualité de vie et les émotions positives telle que la joie «  et de prévenir les pathologies résultant d’une vie inintéressante, improductive et dénuée de sens » Demontrond & Gaudreau (2008).
Pour cela, elle propose ainsi une orientation différente de celle initialement prise par la psychologie du sport ; laquelle s’est d’abord intéressée aux états émotionnels et aux émotions négatives telles que le stress et l’anxiété. En ce sens, « la psychologie positive est une révolution de la pensée car elle nous fait passer d’un mode d’expression en termes de déficit vers un mode d’expression en termes positifs » Clifton (2002). Ceci incite à penser sans réserve l’entraînement sous un éclairage humaniste.
Concernant le flow et qui semble encourageant pour les entraîneurs et que « l’expérience du flow serait identique quelle que soit l’activité pratiquée, et quels que soient la culture, la classe, le genre et l’âge du sujet » Demontrond & Gaudreau (Op. cit.)
Enfin, le concept de flow, pensé sous d’autres formes, existerait depuis longtemps dans plusieurs cultures orientales.

Références :

  • Allal, L., Cardinet, J. & Perrenoud, Ph. (dir.) (1989). L’évaluation formative dans un enseignement différencié. Berne, Lang.
  • Brunelle, J. & Toussignant, M. (1988). La supervision de l’interaction en activité physique. Gaëtan Morin éditeur. Montréal.
  • Clifton, D. (2002). Foreword. In S.J. Lopez & C.R. Snyder (Eds.), Positive Psychological Assessment. A handbook of Models and Measures. American Psychological Association, Washington, DC.
  • Csikszentmihalyi, M. (1990). Flow : The psychology of optimal experience. New York : Haper & Row.
  • Csikszentmihalyi, M. (2000). Happiness, flow, and economic equality. Conference of the Association for the Advancement of Applied Sport Psychology, Nashville, Tennessee.
  • Demontrond, P. & Gaudreau, P. (2008). Le concept de flow ou état psychologique optimal : état de la question appliquée au sport. Staps, 1/79 : 9-21.
  • Famose, J-P. (1990). Apprentissage moteur et difficulté de la tâche. Publication INSEP. Paris.
  • Greusard, R. (2018). "La zone", le mystérieux état second dont rêvent les sportifs. L’Obs. En ligne.
  • Jackson, S.-A. & Csikszentmihalyi, M. (1999). Flow in sports : The keys to optimal experiences and performances. Champaign : Human Kinetics.
  • Lafont, D. (2011). Sport – Entrez dans la zone. Amphora.
  • Maccario, B. (1982). Théorie et pratique de l’évaluation dans la pédagogie des activités physiques et sportives. Editions Vigot.
  • Voelkl, J.-E. & Ellis, G.-D. (1998). Measuring flow experiences in daily life : An examination of the items used to measure challenge and skill. Journal of Leisure Research, 30 (3), 380-389.

Voir en ligne : Le flow : Comment conduire à cet état mental optimal pour apprendre et réussir ?

Portfolio

Zone de difficulté optimale ou de "Délicieuse incertitude"

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