Takka Takka, une oeuvre Pop Art engagée ?

Lecture de l'oeuvre de Roy Lichtenstein, Takka Takka de 1962

Takka Takka est une peinture sur toile de grandes dimensions, 142 X172, huile sur toile, bien plus grande que la vignette de bande dessinée dont R. Lichtenstein s'est inspiré. La vignette que R. Lichtenstein a utilisé est tirée d' un comic de 1962. Un comic est le nom américain donné à une bande dessinée bon marché.La vignette est tirée d'un magazine qui relate un épisode de la deuxième guerre mondiale: la bataille de Guadalcanal qui a opposé le Japon aux Américains. La bataille s' est déroulée en août et novembre 1942. L île de Guadalcanal est située au nord est de l' Australie dans l' Océan Pacifique. Les Japonais qui contrôlaient alors le Pacifique sur l' île avaient construit une base stratégique et il était important pour les alliés de la reprendre. La vignette d'origine est tirée du magazine Battlefield Action, February 1962, Charlton Comics Group ( vous devez regarder la vignette d'origine) Charlton Eston est un éditeur de comics qui parurent de 1946 à 1986, connus grâce à leurs différents héros et au talent des dessinateurs. Il y avait une large variété de genre: policier, science fiction ,guerre, romance, animaux... Charlton Comics a cherché à minimiser le coût de production en utilisant une presse d'occasion ayant auparavant servi à imprimer des boîtes de céréales. La qualité de l'impression était donc médiocre et le magazine bon marché, 10 ou 12 cents.
Quand Roy Lichtenstein décide de travailler à partir de cette vignette, une autre guerre se déroule, celle du Viêt Nam. L' oeuvre du peintre traite donc de la guerre, au sens large mais aborde aussi d'autres problématiques: société de consommation, rapport à l'art de l'image. Une oeuvre d'art peut elle s'inspirer de la banalité du quotidien? Dans cette peinture R Lichtenstein reprend les codes de la bande dessinée: la présence du texte, les aplats, la gamme réduite de couleurs, les contours noirs. Il en fait un grand tableau et réussit à créer une composition complexe et équilibrée..

Dans le cartouche, le texte se situe devant l'image.

Un texte dans une image est appelé phylactère, que ce soit dans la peinture classique ou la bande dessinée.
Dans le cartouche, positionné dans la partie supérieure, devant l'image, lettres noires sur fond jaune, le texte vient situer la scène. On remarque qu'il n'y a pas de date et que l'action peut se dérouler à une autre époque, indéterminée ou pendant la guerre du Viet Nam: " Les soldats épuisés, sans sommeil depuis cinq ou six jours, sans repas correct, souffrant d' infections parasitaires tropicales, continuant de se battre!" Il y est question de soldats mais nulle représentation de corps dans la peinture de Lichtenstein contrairement à la vignette d'origine dans laquelle on remarque une main et un casque. Le texte relate la situation , il fait partie de l'oeuvre en tant que signe graphique. R.Lichtentein reprend le même type de caractère que celui de la vignette.

Au premier plan, la végétation.

La végétation au premier plan se glisse également derrière la mitrailleuse. C est une fougère qui évoque la flore tropicale, la forêt dense et humide. On pense bien sûr à la végétation du Viêt Nam.

Au second plan, la mitailleuse, les cartouches et la grenade.

Au deuxième plan se situe la "machine" de guerre, la mitrailleuse. La forme traverse toute la largeur et entre dans le cadre par la droite. Elle est légèrement en diagonale avec un effet de profondeur. Elle est en pleine action et la flamme rouge est coupée par le bord gauche de la toile. Les couleurs employées sont un violet , un blanc teinté et le noir pour les contours. Les détails du canon, l'effet ombré précisent la forme.
La mitrailleuse tire, les cartouches sont éjectées, elle suffit pour signifier la présence des soldats. Dans le comic d'origine, les soldats sont américains et japonais mais dans la peinture de Lichtenstein rien finalement ne nous précise la nationalité de ceux dont il est question. En suspension, une grenade est projetée et on remarque la courbe de sa trajectoire blanche et noire. Par rapport à la vignette du comic, le bunker et le casque ont disparu et la mitrailleuse apparait comme le symbole de la guerre.

Au troisième plan, l' onomatopée dessinée

L' onomatopée (mot qui imite par le son la chose dénommée, son ou cause d'un son. Boum, crac, snif, gazoullis, sont des onomatopées ; dict. Le Robert) est largement montrée et donne son titre au tableau. Lettres rouges avec un contour noir sur fond jaune et gris puis avec un contour noir et blanc sur fond bleu sombre afin de mieux s' en détacher. L' écriture est dynamique, elle disparaît en partie sous le bandeau d'écriture et fait intégralement partie de l'image.
" Takka Takka" c'est le bruit que pourrait faire des enfants en train de jouer à la guerre.Il y a un côté ludique et ironique dans cette inscription surtout en considérant le texte au dessus.

Au quatrième plan, l'explosion .

La mise en forme de l'explosion est remarquable, très travaillée, on a presque l'impression de pouvoir la saisir. On remarque des rayons, des diagonales, un jeu de courbes et de contre- courbes qui évoquent les nuages de la fumée. Les couleurs, rouge, noir, jaune, blanc et les lignes sont organisées en une composition abstraite dynamique.Cette explosion, le canon de la mitraillette et le feuillage se détachent sur un fond rose étonnant.

La peinture de Roy Lichenstein s'inscrit dans son temps.

Roy Lichtenstein s' inscrit dans la réalité de son temps en s'inspirant des images de la culture populaire. Il se concentre sur les images stéréotypées de la bande dessinée et introduit subtilement une critique de la société tout en produisant une peinture complexe. Takka Takka exalte le courage des soldats tout en dénonçant ironiquement l'engrenage de la guerre.